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“La perfection n’existe pas mais il faut au moins viser l’excellence.”

Igériennes, Igériens, la rubrique “Les yeux dans les yeux avec…” est de retour ! Vous connaissez tous ce professeur et on sait que vous l’adorez. Si on vous dit qu’il est barbu… Vous l’avez compris, découvrez dès maintenant l’interview de Mathieu Lajante.

Pouvez-vous présenter ?lajante-test-2
Mon parcours est un peu particulier : après le collège, j’ai choisi un parcours professionnel, je ne voulais pas faire de longues études. J’ai fait un BEP et un CAP en mécanique-auto. Pendant ma formation, au début de la 2ème année, il y a eu l’explosion d’AZF, une usine d’engrais chimique qui a explosé et qui était juste à côté du lycée. Il y a eu une trentaine de morts, moi j’ai été blessé. On a été obligé de quitter le lycée où on était parce que tout était détruit… J’ai donc travaillé pendant 4 mois dans une concession automobile, et j’ai vraiment vu ce que c’était d’être ouvrier, mécano, et je me suis dit “je ne suis pas vraiment sûr de faire ça toute ma vie”, donc… je vais essayer de poursuivre !

Après le BEP, les meilleurs élèves pouvaient faire une première d’adaptation, pour passer un Bac Technique. J’ai donc fait ça. Après mon bac, j’ai commencé un DUT en Génie Aéronautique à Toulouse, mais je me suis arrêté au bout de la première année. Je me suis réorienté et j’ai fait un DUT Tech de Co, pendant deux ans. J’avais déjà dans l’idée de faire une thèse à ce moment-là, mais je n’étais pas sûr, je ne savais pas trop dans quoi je me risquais. C’était long et comme je finançais mes études, partir sur 3 ans d’études supplémentaires et faire la thèse derrière, c’était un peu risqué…

J’ai assuré mes arrières en faisant une Licence Pro en alternance dans la banque : j’ai travaillé pendant 6 mois au Crédit Agricole, 6 mois de cours. J’ai mis de l’argent de côté, et j’ai candidaté à l’IAE de Toulouse où j’ai fait le Master 1 Marketing. Je suis venu faire le Master 2 Recherche ici, à Rennes, puis ma thèse toujours à l’IAE de Rennes, en 3 ans où j’ai été recruté comme maître de conférences.

Pourquoi avoir choisi l’IGR en tant qu’enseignant ?
En fait, j’ai été recruté à Metz, Toulouse, à l’IUT GEA de Rennes et à l’IGR. Mais à Rennes, j’avais déjà commencé à beaucoup m’investir dans l’institut pour la partie enseignement et recherche, et je n’avais pas forcément envie de rentrer à Toulouse, j’étais bien ici. J’ai choisi de rester à Rennes, pour profiter de tout ce que j’avais mis en place. Ne pas recommencer à 0 ailleurs.

Quel type d’étudiant étiez-vous ?
Alors… euh étudiant ou élève ? Élève… on va dire que j’étais un élève compliqué, insolent, pas forcément travailleur. Mais à partir de l’expérience d’AZF, de l’explosion, ça m’a remis les idées en place, et depuis ce jour, j’ai été un excellent étudiant, et ce n’est pas pour me vanter. J’ai toujours bossé à fond à fond ! J’ai eu tous mes diplômes avec mention, et j’ai été major de promotion en Licence et en Master 2 avec la mention bien. Je me suis donné à fond pour réussir. C’était vraiment un défi. Je me suis dit « puisque je me suis sorti de ce truc, maintenant, quoique je fasse, je le fais à fond » ! Il y a eu des réorientations etc. mais j’ai toujours visé l’excellence dans ce que je faisais et de manière responsable. Je partais du principe que c’était un choix que j’avais fait, que personne ne me l’avait imposé et que, par conséquent, il fallait que je l’assume jusqu’au bout. Donc je venais en cours à l’heure, je faisais le boulot à l’heure, tout nickel, parce que c’est un choix que j’avais fait, je n’ai pas subi tout ça. Je l’ai choisi et je l’ai assumé.

Qu’est-ce qui vous plaît dans le métier d’enseignant ?
J’aime bien transmettre, j’aime bien le contact avec les étudiants. J’aime bien me sentir utile parce qu’avec mon parcours, un peu atypique on va dire, j’ai toujours eu des gens qui m’ont aidé, qui m’ont ouvert la porte, qui m’ont tendu la main, qui ont cru en moi, qui m’ont donné confiance, etc. Et je me dis, bah maintenant, c’est à mon tour. Donc si je peux partager mon expérience, même si elle n’est pas énorme, si je peux aider, conseiller, et bien je le fais avec plaisir et je me sens utile là-dedans. Et puis, il y a un truc qui est très important pour moi et que je peux avoir ici, en tant qu’enseignant chercheur, c’est la liberté. Je ne la retrouverai nulle part ailleurs. Y’a pas d’autre métier qui m’offre cette liberté-là. Parce qu’on a quand même l’assurance d’avoir un salaire à la fin du mois, ce qui n’est pas le cas d’un entrepreneur et en même temps, on est libre. Je n’ai de comptes à rendre à personne. Je peux être présent pour ma famille, je peux être présent pour les gens qui comptent et en même temps, je fais mon boulot. Et cette liberté, pour moi, elle n’a pas de prix.

Comme j’ai travaillé pas mal en entreprise pendant mes études, je me suis vite rendu compte que me faire siffler des ordres par un mec qui me dit “t’es pas là pour réfléchir mais t’es là pour faire”, ça n’allait pas me correspondre du tout. Donc voilà, maintenant, je suis maître de mon travail, maître de mon outil de travail. C’est moi qui détermine comment je fais mes cours avec mes étudiants, comment je fais ma recherche, etc. Y’a toujours des contraintes, y a toujours des règles à respecter, mais c’est des règles que j’ai choisies et qu’on ne m’a pas imposées, et ça, c’est important.

Pouvez-vous qualifier vos collègues de l’IGR en quelques mots ?
Je parle pour ceux avec qui j’ai des relations : je les trouve très sympathiques, à l’écoute et travailleurs parce que finalement, à chaque fois que j’ai travaillé avec eux, que ce soit sur la partie recherche ou la partie enseignement, j’ai toujours trouvé des gens qui s’investissaient autant que moi en temps et en énergie pour que ça fonctionne.

Et pour les étudiants de l’IGR ?
Les étudiants de l’IGR, ça dépend des années, ça dépend des promos. Il y a de tout.

Ça change vraiment d’une promo à l’autre ?
Ouais. Je pense qu’il y a des effets de groupe c’est à dire que quand vous arrivez en licence, vous ne vous connaissez pas forcément et puis, je ne sais pas, il doit y avoir des fortes têtes ou des trucs qui se passent en soirée, j’en sais rien, qui font que ça fonctionne bien ou que ça fonctionne moins bien. Et donc, du coup, d’une promo à l’autre, ce n’est pas la même chose.

Mais globalement, je trouve que les étudiants de l’IGR ont un gros potentiel et c’est pour ça que, souvent, vous êtes recrutés, parce qu’on considère que vous avez le potentiel pour faire de bonnes choses. Ce que je trouve dommage, c’est que ce potentiel, vous ne l’exploitez pas toujours. C’est là où, des fois, je suis un peu frustré.

Quelle a été l’expérience la plus marquante pour vous, à l’IGR ?
L’expérience la plus marquante, c’est la soutenance de ma thèse. Ça restera le souvenir le plus important pour moi ici, à l’IGR.

Pourquoi ? Parce que c’est l’aboutissement de beaucoup de choses, pas seulement d’une thèse. Pour moi, c’est l’aboutissement de cette promesse que je me suis faite presque onze ans en arrière, où je m’étais dit que j’irai jusqu’au bout de ce que je fais. Et là, ça y est, ce jour-là, j’étais arrivé au bout en fait. C’est la seule fois en dix ans que je me suis dit “ça y est, je suis arrivé au bout du truc”. Avant, chaque fois, je me disais “c’est bon, j’ai validé tel diplôme ou telle étape”. Mais c’était une étape sur le chemin, ce n’était pas encore l’arrivée.

Quand je suis arrivé au bout de la thèse, la soutenance s’est tenue dans la salle du conseil. C’est une ancienne chapelle avec un plafond immense qui doit faire 6 – 7 mètres de haut, il y a quelque chose d’un peu onirique là-dedans. On est face à son jury, il y a sa famille, ses amis. J’avais même des étudiants qui étaient venus me voir. Et on porte le projet, on le présente comme ça et pour moi, ce n’était pas seulement présenter ma thèse, c’était présenter le résultat de tout ce cheminement. Et donc ça restera le souvenir le plus marquant pour moi à l’IGR.

En-dehors de votre métier, avez-vous des loisirs ou des passions ?
Oui. Déjà, même si ça répond pas totalement à la question, je veux dire que ce métier là pour moi, c’est une vraie passion. Je viens travailler mais je le vois pas comme un boulot juste alimentaire et après, je rentre et c’est fini. Je n’arrive pas vraiment à décrocher. Quand je rentre chez moi, je suis toujours en train de lire des trucs, de me questionner. Même quand je suis en voyage, je suis toujours en train d’observer, d’essayer de comprendre. Je n’arrive pas à me détacher de ça. D’ailleurs, c’est pour ça que ce métier me correspond bien parce que j’ai toujours été très curieux et je n’ai jamais voulu me contenter de l’évidence. C’est pour ça je pense que j’étais un peu insolent quand étant gamin parce que je disais “mais moi ça me va pas ça, j’ai envie de comprendre pourquoi c’est comme ça”. Donc toujours à poser des questions, à essayer de voir ce qu’il y a derrière, etc. Donc au final, ça occupe déjà pas mal de mon temps, même en-dehors de mes heures de travail ici.

Après, je fais pas mal de sport. J’en ai fait un peu moins pendant la thèse mais bon, je fais quand même pas mal de sport, essentiellement des sports de combat. J’en fais depuis que je suis petit. J’ai fait de la boxe pendant près de 7 ans, et là depuis quelques temps, je fais du grappling et du jiu-jitsu brésilien. Ça me plaît bien, je m’investis pas mal là-dedans. Et je m’occupe beaucoup de ma famille aussi, j’essaie d’être présent pour eux. Enfin, c’est les voyages. En 3-4 ans, on a visité une dizaine de pays différents. Donc je voyage beaucoup aussi.

Et comment vous choisissez les pays pour les voyages ?
C’est pour des raisons familiales et aussi des opportunités professionnelles. Ce sont des collaborations que j’ai avec des collègues, par exemple, au Japon, aux Pays-Bas, en Finlande, des choses comme ça. J’en profite pour voyager, pour prendre ma famille avec moi et après, de là, on fait d’autres pays autour et puis, on voyage.

On a entendu dire que vous partiez au Canada ?! C’est pour des raisons professionnelles ?
Ouais. J’ai eu un poste à l’Université Laval. Ce sera le même métier mais dans un contexte différent avec des moyens différents et des objectifs différents. Ça faisait partie de mes projets depuis très longtemps, bien avant que je sois arrivé à l’IGR : avoir une carrière internationale.

Ce sont des nouveaux défis qui se posent à chaque fois. Puisque je suis arrivé au bout du truc, j’ai eu ma thèse, bah le défi d’après c’est de dire “au lieu de me contenter d’une carrière sur le plan national, je vais essayer de viser une carrière sur le plan international”. Et peut-être que, de là, ça m’amènera encore ailleurs.

Donc j’ai postulé, il y a quasiment un an, sans vraiment croire en mes chances parce que, de fait, c’est une compétition internationale puisque n’importe qui peut postuler. Et finalement, j’ai été recruté au terme d’un loooooong processus qui a pris plusieurs mois, mais ça l’a fait.

Du coup le Canada c’était un choix ou vous aviez plusieurs pays en tête ?
Je pensais à plusieurs pays mais le Canada ça restait la première option. Ça fait très longtemps que j’y pense et donc je suis bien content que ça ait marché.

Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui veulent partir comme ça, à l’international ?
Ceux qui veulent le faire, je leur dirais de s’en donner les moyens pour le réaliser, que ça ne reste pas un rêve inabouti et quelque chose qu’on reporterait toujours plus tard. Je pense qu’en plus, à l’IGR, il y a pas mal de dispositifs qui vous permettent de le faire dans de bonnes conditions : vous ne perdez pas votre place en M2 si vous faites l’année de césure, vous avez Erasmus… Je trouve que ce sont des risques bien contrôlés, ça vaut vraiment le coup de le faire.

Est-ce que vous pouvez nous parler de votre prochain article dans une revue scientifique ?
En fait c’est un article méthodologique qui est issu de mes travaux de thèse. Pour essayer de faire simple pour que tout le monde comprenne, j’utilise des signaux physiologiques qui sont produits par la contraction des muscles du visage. Quand on ressent des émotions, on les exprime par le visage. Et, j’ai utilisé dans ma thèse une technique qui permet de mesurer cette activité-là. En Marketing il n’y avait aucun travail méthodologique qui expliquait comment on s’en sert, à quoi ça sert… Donc j’ai fait une expérimentation qui mettait en lumière la technique et le rendu est très méthodologique ce qui n’est pas habituel du tout en marketing. J’ai mis quatre ans pour le publier. On s’est fait jeter de peut-être six ou sept revues puis on a été acceptés dans une ou deux revues qui ont finalement fait le choix de nous rejeter. La fois où j’en ai parlé aux Licences c’est parce que je venais juste d’avoir le mail de confirmation pour me dire que ça y est c’était publié ! C’est dans une bonne revue en plus donc c’est d’autant plus appréciable. C’est l’aboutissement d’un long travail mais voilà il faut jamais lâcher.

Si vous étiez…
lajante-test-avec-texte-dessusEst-ce que vous avez un message à faire passer aux étudiants avant votre départ ?
Oui ! Déjà que j’ai apprécié de travailler avec eux. Je dis bien travailler avec eux, c’est important. Pour moi c’est un vrai travail qu’on fait ensemble, ce n’est pas le prof qui vient délivrer sa vérité. Je leur conseille de profiter à fond de l’engagement qu’ils ont pris dans leurs études ou dans leur travail peu importe mais qu’ils fassent les choses à fond ! La perfection n’existe pas mais au moins viser l’excellence. Ça vaut le coup de faire les choses bien je pense, on le regrette jamais.

Et si vous n’aviez pas été professeur, qu’est-ce que vous seriez ?
Euh… je ne sais pas parce que ça me plaît tellement ce que je fais. Mais comme je l’ai dit tout à l’heure, je pense que je n’aurais pas pu être salarié, ça aurait été vraiment très compliqué pour moi. Donc je pense que j’aurais fait de l’artisanat, peut-être un métier de bouche, boulanger, un truc où je maîtrise mon outil de travail, où je ne dois rien à personne.

Est-ce qu’il y a un lien entre le sport et le métier que vous exercez ?
Le sport, ça dépend à quel niveau on en fait mais c’est une question d’engagement comme dans ce métier. C’est vrai que les étudiants, vous ne vous en rendez pas compte parce que vous nous voyez qu’en tant qu’enseignant. Mais le boulot d’enseignant-chercheur c’est aussi de faire de la recherche ! Et la recherche c’est une forme de compétition parce qu’on est beaucoup de candidats pour peu de places. On travaille très longtemps comme je vous l’ai dit. Quatre ans pour publier un article qui fait trois mille mots ça parait beaucoup d’efforts pour pas grand-chose mais en fait c’est énorme. On est en compétition tout le temps. Et c’est une compétition qui peut se jouer à un niveau national ou international et ça demande beaucoup de temps, d’investissements et d’efforts intellectuels. C’est exactement ce que ferait un sportif de haut niveau : s’entraîner tous les jours, se prendre des claques et se dire : “c’est pas grave, je me relève”. La recherche, c’est ça aussi.

Pourquoi les sports de combat ?
Je ne sais pas, ça m’a toujours plus. Quand j’étais gamin, j’ai fait plein de sports et le truc où je m’éclate le plus c’est les sports de combat. Au début, je me suis dit “ouais je vais faire des sports de combat”, j’avais suivi un copain de mon quartier et il m’avait dit qu’il y avait un nouveau club de boxe, que je devais venir avec lui. Je lui dis bon, pourquoi pas, je n’étais pas sûr de continuer. Et en fait, j’étais bon dans ce que je faisais donc j’étais content de me dire “ça y est je commence à réussir dans un truc”. J’y ai pris goût et maintenant je ne me vois pas aller jouer à la balle ou je ne sais pas… Je n’ai rien contre les gens qui font du foot ou du hand mais ce n’est pas mon truc. J’aime bien me friter quand même, pas dans la rue mais avec des gants ou sur un tatami. Voilà, j’aime bien quand ça frite un peu. On se sent vivre !

Un grand merci à Monsieur Lajante d’avoir accepté de répondre à nos questions. Nous lui souhaitons bon courage pour sa nouvelle aventure qui va démarrer dans quelques mois !